mardi 22 janvier 2008

CE, 21 décembre 2007 : Mme Lipietz

La SNCF, en déportant des juifs pendant la 2 GM, peut elle être la cible de demande de réparations.

Il y avait déjà eu deux autres décisions par la cour d’appel de bordeaux en 2007 et une antérieure en 2006. Le tribunal administratif avait décidé de retenir la responsabilité de la SNCF et donc de l’obliger à indemniser les consorts à hauteur de 60000 euros.

La Cour d’appel de Bordeaux avait annulé cette décision et le CE est alors amené à se prononcer. Le CE explique donc que la SNCF étant une personne privée qui agit sans le biais de PPP, à distinguer des personnes privées avec PPP, le CE ne peut statuer, c’est au juge civil de s’en occuper.=> patrimonialisation des douleurs subies par ses aïeux (demande reconnu par le CE depuis 2000, qui permet d’engager la responsabilité de l’Etat).




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La Cour a également commis une erreur de droit en se fondant sur la
circonstance que la SNCF était une personne morale de droit privé au jour
du fait générateur du dommage pour décliner la compétence des
juridictions administratives, alors qu’en matière de responsabilité extracontractuelle
l’ordre de juridiction compétent doit être déterminé d’après la
nature de la personne dont la responsabilité est recherchée au jour où le
juge statue.


Il est acquis que les règles régissant la compétence juridictionnelle sont
dotées d’un effet immédiat et s’appliquent même aux litiges en cours (cf.
CE Sect. 29 juin 1951, Cie générale transatlantique, p. 378). Dans le
même ordre idée, le Conseil d’Etat devrait retenir que l’ordre de juridiction
compétent est déterminé, sauf exception, par la situation existante au jour
où le juge statue.
En l’espèce, les juges d’appel ont décliné la compétence des juridictions
de l’ordre administratif au motif principalement que la SNCF était à
l’époque des faits une société d’économie mixte de droit privé.
Mais à la date à laquelle les exposants ont demandé réparation, comme
au jour où la Cour a statué, la SNCF était devenue un établissement
public, donc une personne publique, en vertu de la loi d’orientation des
transports intérieurs du 30 décembre 1982. Or, l’action en responsabilité
extra-contractuelle dirigée contre une personne publique relève en
principe de la compétence du juge administratif, à la différence d’une
action dirigée contre une personne privée qui n’en relève que par
exception.


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La Cour a encore procédé à une inexacte qualification juridique des
faits et en tout état de cause entaché son arrêt d’une erreur de droit
supplémentaire, en retenant que la SNCF ne pouvait être regardée
comme ayant en l’espèce assuré l’exécution d’un service public
administratif.

Après avoir rappelé que la SNCF exploitait à l’époque des faits le service
public industriel et commercial des transports ferroviaires, la Cour
administrative d’appel a considéré que « la SNCF ne pouvait être
regardée comme ayant, par les prestations requises, assuré l’exécution
d’un service public administratif ». Ce raisonnement s’expose
nécessairement à la censure.
Tout d’abord, il ne fait aucun doute que la circonstance que la mission
principale confiée à la SNCF, personne privée à l’époque, revête un
caractère industriel et commercial n’empêche pas qu’une mission
accessoire relevant du service public administratif lui ait également été
confiée s’agissant du transport des personnes d’origine juive sur le
territoire français préalablement à leur déportation en Allemagne.
Le Conseil d’Etat a par ailleurs récemment rappelé et synthétisé les
critères permettant de caractériser, selon la méthode du faisceau
d’indices, l’existence d’une mission de service public confiée à une
personne privée :
« Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même
entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public,
une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le
contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de
puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ;
que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit
également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une
mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son
activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son
fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux
mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont
atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle
mission ; »

(CE Sect. 22 février 2007, Ass. du personnel relevant des établissements
pour inadaptés, n° 264541)

En l’espèce, même en faisant abstraction des dénaturations
précédemment démontrées, les constatations des juges d’appel suffisent
à établir que le préjudice dont les exposants demandent réparation résulte
de l’accomplissement par la SNCF d’une mission revêtant le caractère
d’un service public administratif.
La Cour a en effet retenu que la SNCF :
- était chargée par les autorités de l’Etat d’assurer le transport des
personnes d’origine juive depuis les centres de détention
administrative jusqu’aux gares desservant les camps de transit ;
- que des agents techniques de la SNCF ont participé à des réunions
destinées à coordonner l’exécution de ces transports ;
- que les conditions dans lesquelles ces transports devaient être
réalisés étaient mises en oeuvre par les autorités de l’Etat ;
- que les forces de sécurité publique de l’Etat français apportaient
parfois leur concours à la surveillance armée des convois ;
- que chaque opération de transport était réalisée sur demande de
« mise à disposition » ou sur « réquisition » d’une autorité
administrative de l’Etat, moyennant le versement d’un prix
déterminé en fonction du trajet parcouru et du nombre de
personnes transportées.
Il ressort de ces constatations que la SNCF a été chargée par l’Etat
français d’une mission consistant dans le transport des personnes
d’origine juive depuis les centres de détention administrative jusqu’aux
gares desservant les camps de transit. Il est certain que cette mission
n’avait pas pour objectif de satisfaire des fins d’ordre privé. Elle constituait
donc, au sens de la théorie du service public, une mission d’intérêt
général, selon la conception funeste de l’intérêt général qui prévalait en
cette sombre époque.
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Il ressort également de façon suffisante des constatations qui viennent
d’être rappelées que cette mission d’intérêt général était placée sous le
contrôle de l’administration française qui déterminait les conditions de sa
réalisation et de sa rémunération et participait le cas échéant à sa
surveillance armée. Il est à cet égard indifférent que l’administration
française aurait organisé ce contrôle à la demande des autorités
d’occupation allemande, comme l’a affirmé à tort la Cour. Cette
circonstance ne fait nullement obstacle à ce que soit reconnue la volonté
de l’Etat français de confier, en réponse à cette demande étrangère, une
mission de service public à la SNCF consistant dans le transport des
personnes d’origine juive sur le territoire national jusqu’aux camps
d’internement ou de transit.
La mission de service public qui vient d’être décrite ne peut revêtir un
caractère industriel et commercial puisqu’elle ne donnait pas lieu, bien
entendu, à la conclusion de contrats entre la SNCF et les personnes
transportées de force. Ainsi, indépendamment même de l’exercice de
prérogatives de puissance publique, il ne fait aucun doute que la SNCF
exécutait une mission de service public administratif en transportant les
exposants, contrairement a ce qu’a retenu la Cour au prix d’une
qualification juridique inexacte des faits et, en toute hypothèse, d’une
erreur de droit.
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VIII. – L’affirmation supplémentaire des juges d’appel selon laquelle la
SNCF ne disposait pas, pour exercer cette mission, de prérogatives de
puissance publique dont l’exercice serait à l’origine des dommages dont il
est demandé réparation, procède elle aussi d’une inexacte qualification
juridique des faits et en tout état de cause d’une erreur de droit, ou à tout
le moins d’une dénaturation.

Les exposants avaient démontré dans leurs écritures que le dommage
dont il demandait réparation trouvait son origine dans l’exercice par la
SNCF de prérogatives de puissance publique de deux ordres.

 L’existence d’une telle prérogative résulte tout d’abord du fait que des
droits exclusifs ont été confiés à la SNCF pour le transport par voie ferrée.

Dans un arrêt important, le Tribunal des conflits a retenu que :
« si le GIE Sesam-Vitale a le caractère d'une personne morale de droit
privé, la décision à l'origine du litige qui l'oppose à la SOCIETE
SOTRAME a été prise par lui dans le cadre de la mission qu'il assume au
nom et pour le compte des caisses qui l'ont constitué et notamment de la
caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, pour
l'exécution même du service public administratif de mise en ouvre du
système de saisie électronique des données de l'assurance maladie en
vue duquel lui ont été conférés des droits exclusifs ; que le litige né de
cette décision relève par suite des juridictions administratives »
(cf. T. Conf. 23 septembre 2002, Sté Sotrame et Metalform c/ GIE Sesam
Vitale, p. 550).
Messieurs Donnat et Casas nous éclairent sur le sens à donner à l’incise
relative aux droits exclusifs en précisant :

« On peut sans doute regretter que la motivation ne soit pas plus précise
et n’indique pas expressément que le GIE est titulaire de prérogatives de
puissance publique. Mais c’est bien le sens qu’il convient de donner, nous
semble-t-il, à la mention selon laquelle ont été conférés au GIE « des
droits exclusifs ». Il est constant en effet que le GIE dispose en l’espèce
d’un monopole pour l’exercice de ses missions. »
(chron. AJDA 2002, p. 1437)
Comme le soulignent encore messieurs Donnat et Casas, le Conseil
d’Etat avait déjà retenu auparavant par deux fois que le fait de disposer
d’un monopole pour l’exercice d’une mission était constitutif d’une
prérogative de puissance publique (Sect. 28 juin 1963, Narcy, p. 401 ; 22
mars 2000, Epoux Lasaulce, p. 127).

En l’espèce, il est constant que la SNCF disposait déjà, à l’époque des
faits, du monopole du transport par voie ferrée. Et c’est bien parce qu’elle
disposait de ce monopole que le régime de Vichy lui a confié la mission de
transporter les personnes d’origine juive sur longue distance jusqu’aux
camps de transit ou d’internement, sachant que le transport par car ou par
camion n’était utilisé qu’occasionnellement pour de courtes distances.
Le dommage trouve donc son origine dans cette première prérogative de
puissance publique.
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 Au surplus, la SNCF faisait également usage de prérogatives de
puissance publique en participant à la contrainte exercée sur les
personnes transportées.
L’analyse des faits opérée par Cour laisse dans l’ombre un certain nombre
d’éléments particulièrement importants à cet égard.
Tout d’abord, le rapport de Monsieur Bachelier cite un document indiquant
que « le commissionnaire divisionnaire s’assurera que les wagons
couverts auront été fermés et plombés par les soins de la SNCF » (page
433 du résumé papier, pièce cotée 1-7 jointe au mémoire d’appel de la
SNCF, citée par les exposants au § 66 de leur mémoire en défense). Il en
ressort que c’est bien la SNCF qui aménageait spécialement les wagons à
bestiaux pour empêcher toute évasion.
Il n’a pas été contesté non plus que le seau d’eau présent dans le wagon
à bestiaux transportant Georges Lipietz, Guy S., leurs parents et 48 autres
personnes, n’a pas été rempli durant les 36 heures de trajet. Une fois l’eau
bue, le récipient a servi de seau hygiénique et n’a pas non plus été vidé.
La SNCF s’est de la même façon abstenue de donner des vivres aux
personnes transportées alors que rien ne l’en empêchait. Ces conditions
de transport incompatibles avec le respect de la dignité humaine résultent
de la seule décision de la SNCF et caractérisent elles-aussi l’exercice d’un
pouvoir de contrainte.
Enfin, le rapport de Monsieur Bachelier établit également que les
responsables de la SNCF protestaient contre la désorganisation du trafic
induite par les haltes réclamées par les organisations caritatives telles que
la Croix rouge, notamment pour désaltérer les personnes transportées
(chapitre 4/4-3-7 du rapport, pièce cotée 1-8 jointe au mémoire d’appel de
la SNCF, citée par les exposants au § 68 de leur mémoire en défense). Là
encore, la SNCF faisait usage d’un pouvoir de contrainte pour limiter au
maximum les haltes humanitaires.
La contrainte ainsi exercée traduit nécessairement l’exercice de
prérogatives de puissance publique qui se trouvent elles aussi à l’origine
directe des préjudices dont les exposants demandent réparation.
 C’est donc au prix d’une qualification juridique inexacte des faits et d’une
erreur de droit, ou à tout le moins d’une nouvelle dénaturation des faits de
l’espèce, que la Cour a écarté l’existence de prérogatives de puissance
publique à l’origine du dommage.
Cette erreur justifie d’autant plus la cassation que l’exercice d’une
prérogative de puissance publique par une personne privée emporte la
compétence du juge administratif même si le litige se rapporte à des
dommages occasionnés à des tiers par le fonctionnement d’un service
public industriel et commercial (cf. le considérant de principe de CE 23
mars 1983, SA Bureau Veritas, p. 134, qui ne distingue pas selon la
nature administrative ou industrielle et commerciale du service public).
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IX. – Subsidiairement, si le Conseil d’Etat écartait par extraordinaire
l’ensemble des moyens de cassation qui précèdent, il pourrait néanmoins
admettre que les juges d’appel ont commis une erreur de droit en ne
retenant pas, à la différence des premiers juges, qu’il ressortait de leur
propre appréciation des faits que la compétence de la juridiction
administrative était justifiée par un moyen d’ordre public tiré de la
circonstance que la SNCF agissait pour le compte de l’Etat français lors
du transport dont il est demandé réparation.

Il est acquis que l’action en responsabilité extra-contractuelle dirigée
contre une personne privée relève de la compétence du juge administratif,
à l’instar des solutions retenues dans le contentieux contractuel, lorsque
cette personne a agi comme mandataire pour le compte d’une personne
publique (CE 10 mars 1971, Sieur Maurin, p. 199 ; T. Conf. 23 septembre
2002, Sté Sotrame et Metalform c/ GIE Sesam Vitale, p. 550, précité).
L’existence d’un tel mandat, même implicite, est nécessairement constitutif
d’un moyen d’ordre public, comme toute question touchant à la
compétence de la juridiction. Ce moyen d’ordre public doit au besoin être
relevé d’office par le juge lorsqu’il ressort des pièces du dossier.
En l’espèce, les premiers juges avaient retenu que « la SNCF agissait
pour le compte de l’Etat français lorsqu’elle assurait le transport de juifs à
destination de camps situés sur le territoire national ». Cette analyse de la
situation suffisait à justifier la compétence du juge administratif pour
connaître du litige sur le fondement de la théorie du mandat.
La Cour ne pouvait infirmer le jugement de première instance en faisant
droit à l’exception d’incompétence de la SNCF sans prendre parti sur ce
point. Le Conseil d’Etat considérera qu’elle a implicitement, mais
nécessairement, écarté le moyen d’ordre public, qui plus est retenu par les
premiers juges, tiré du fait que la SNCF agissait pour le compte de l’Etat
français lorsqu’elle assurait le transport des personnes d’origine juive à
destination de camps situés sur le territoire national.
Ce faisant les juges d’appel ont commis une nouvelle erreur de droit.
Leur affirmation selon laquelle les transports n’auraient pas donné lieu à la
conclusion d’une convention d’ensemble entre la SNCF et les autorités de
Vichy, qui procède au demeurant d’une dénaturation comme il été
précédemment expliqué, ne peut en effet suffire à écarter l’existence d’un
mandat implicite.
Les juges d’appel ont au contraire relevé que « chaque opération de
transport était réalisée par la SNCF sur demande de « mise à
disposition » ou sur « réquisition » d’une autorité administrative de l’Etat,
moyennant le versement d’un prix déterminé en fonction du trajet
parcouru et du nombre de personnes transportées ». Ils ont également
considéré que les modalités de ces opérations étaient entièrement mises
en oeuvre par les autorités de l’Etat.
Les juges d’appel auraient dû déduire de leur propre appréciation des faits
que la SNCF agissait pour le compte de l’Etat lorsqu’elle a transporté
Georges Lipietz, Guy S. et leurs parents de Toulouse à Paris. Ce mandat
implicite justifiait en toute hypothèse la compétence du juge administratif
pour connaître du litige.
La cassation est encourue de ce chef supplémentaire.

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X. – Toujours à titre subsidiaire, le Conseil d’Etat pourra encore considérer
que la Cour a commis une erreur de droit en ne retenant pas la
compétence de la juridiction administrative sur le fondement de la
participation de la SNCF à une opération de police administrative.

Le Conseil d’Etat pourra considérer que l’arrestation et le transport des
personnes d’origine juive jusqu’aux camps de transit français constituait
une opération de police administrative, répondant à la conception de
l’ordre public qui prévalait à l’époque.
Il constatera alors qu’il ressortait de façon manifeste des pièces du dossier
que la SNCF a activement et fautivement pris part à cette opération de
police administrative.
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Il pourra donc retenir en dernier lieu que les juges d’appel ont commis une
erreur de droit en écartant la compétence de la juridiction administrative
sans relever le moyen d’ordre public, qui ressortait des pièces du dossier,
tiré du fait que le litige portait sur les conséquences dommageables de la
participation de la SNCF à une opération de police administrative.

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Le Conseil d’État vient de confirmer l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en refusant de retenir la compétence du juge administratif pour examiner la responsabilité de la SNCF dans la déportation de juifs pendant la guerre.


La haute juridiction rappelle, dans un considérant de principe, que “le juge administratif n’est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité pour faute d’une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l’exercice par cette personne morale de droit privé de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l’exécution de la mission de service public dont elle a été investie” .


Le fait que la SNCF était à l’époque une personne morale de droit privé ne faisait aucun doute et n’était pas discuté : une société d’économie mixte, est une personne morale de droit privée (alors même qu’elle est détenue majoritairement par des personnes publiques et qu’elle appartient au “secteur public ou qu’il s’agit d’une “entreprise publique”). Certains ont contesté l’existence d’une mission de service public, le transport forcé de personnes supposées juives contre leur gré ne pouvant constitué, à leurs yeux, une mission d’intérêt général. Mais le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur cette question juridique, puisqu’il s’est arrêté à l’inexistence de prérogatives de puissances publiques.

Devant le Conseil d’État en sa qualité de juge de cassation, l’appréciation des faits ne relèvent pas de sa compétence, sauf dénaturation (erreur grossière en quelque sorte). Il examine seulement le raisonnement juridique qu’a utilisé la cour administrative d’appel contrôle de l’erreur de droit), et vérifie si elle a bien qualifié juridiquement ces faits (à partir des faits souverainement apprécié le juge a pu en déduire que le dommage ne se rattachait pas à l’exercice d’une prérogative de puissance publique :

“Considérant qu’après avoir souverainement apprécié, sur la base des pièces du dossier qui lui était soumis, que la SNCF n’avait disposé d’aucune autonomie dans l’organisation des transports requis, pour en déduire ensuite que la SNCF, personne privée chargée d’un service public industriel et commercial, ne pouvait être regardée comme ayant, pour l’exécution de ces transports, agi dans l’exercice de prérogatives de puissance publique et en écartant, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative pour retenir celle des juridictions de l’ordre judiciaire, la cour n’a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits”.


L’activité de la SNCF pouvait être être qualifiée de “service public industriel et commercial” comme si les personnes déportés étaient des usagers de ce service ? L’avocat de la famille Lipietz a bien tenté de soutenir (à juste titre à mon sens) que la SNCF avait en réalité participé à une mission de “police administrative” (bien qu’en principe, la police administrative ne se délègue pas à une personne privée), voire qu’elle avait agi en qualité de mandataire de l’État. L’idée était intéressante, mais elle n’avait apparemment pas été soulevée devant le juge du fond. dès lors, ces moyens n’étant pas d’ordre public, ils ne pouvaient être soulevés pour la première fois devant le juge de cassation. Mais bizarrement (à moins que cela s’explique tout simplement par l’argumentation des requérants) le Conseil d’État ne se contente pas de les déclarer irrecevables comme il le fait habituellement : il explique que “en ne relevant pas d’office que la SNCF n’aurait pas seulement transporté les victimes de la déportation mais aurait agi en qualité de participant à une activité de police administrative ou encore aurait agi en qualité de mandataire de l’Etat, la cour n’a pas commis d’erreur de droit”. Nous ne saurons pas si ces moyens étaient pertinents pour retenir la compétence du juge administratif…


Mais auparavant, le Conseil d’État avait aussi rejeté le moyen tiré de la prise en compte, par la cour de fait matériellement inexacts ou de faits entachés de dénaturation :

“la cour a relevé que la SNCF avait été placée à la disposition des autorités allemandes entre 1940 et 1944 et chargée par les autorités de l’Etat, qui organisaient, à la demande et sous l’autorité des forces d’occupation, la déportation des personnes d’origine juive, d’assurer le transport de ces dernières depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu’aux gares desservant les camps de transit à partir desquels elle devaient être transférées vers les camps de concentration ; que chaque opération de transport était réalisée par la SNCF sur demande de « mise à disposition » ou sur « réquisition » émanant d’une autorité administrative de l’Etat, moyennant le versement d’un prix déterminé en fonction du trajet parcouru et du nombre de personnes transportées ; que ces transports n’avaient pas donné lieu à la conclusion par la SNCF d’une convention spéciale les organisant dans leur ensemble ; qu’alors même que des agents de la SNCF ont participé à des réunions techniques destinées à coordonner l’exécution de ces transports, les conditions dans lesquelles ceux-ci devaient être réalisés, notamment la détermination de la composition des trains, du type de wagons utilisés, de leur aménagement intérieur et de leur dispositif de fermeture, de même que le nombre des victimes transportées et les modalités de leur traitement, étaient fixées par l’occupant et mises en œuvre par les autorités de l’Etat ; qu’enfin, les représentants allemands exerçaient le commandement et la surveillance armée des convois avec, parfois, le concours des forces de sécurité publique ; que ce faisant, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des faits qui échappe au contrôle du juge de cassation dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, au vu duquel elle a statué, que cette appréciation est entachée de dénaturation ou fondée sur des faits matériellement inexacts”.


A en croire le juge donc, la SNCF était pratiquement transparente dans cette affaire, elle n’avait aucune volonté propre. Est-ce la réalité ?

A noter aussi que le Conseil d’État rejette le moyen tiré de l’irrégularité de l’arrêt attaqué. Une audience s’était tenu, au cours de laquelle le commissaire du gouvernement avait conclu à la compétence du juge administratif, puis avait été renvoyée en formation plénière, “faculté ouverte au président de cette cour qui échappe au contrôle du juge de cassation” et avait fait l’objet d’une seconde audience. Selon la haute juridiction, rien n’oblige à mentionner dans les visas de l’arrêt la première audience ni le renvoi à la formation plénière. Ce renvoi n’a pas constitué une violation du principe d’impartialité “rappelé par les stipulations de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales”…

Edit du 23 décembre. On se demande, contrairement à ce qui est écrit sur le site du conseil d’Etat, si le commissaire du gouvernement devant la deuxième chambre de la cour d’appel de Bordeaux n’avait pas conclu à l’incompétence du juge administratif. Sinon, on ne voit pas trop pourquoi les requérants avaient soulevé le moyen de la violation du principe d’impartialité et de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme…



Jurisprudence > (CE Sect. 22 février 2007, Ass. du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541) > Il ressort de ces constatations que la SNCF a été chargée par l’Etat
français d’une mission consistant dans le transport des personnes
d’origine juive depuis les centres de détention administrative jusqu’aux
gares desservant les camps de transit. Il est certain que cette mission
n’avait pas pour objectif de satisfaire des fins d’ordre privé. Elle constituait
donc, au sens de la théorie du service public, une mission d’intérêt
général, selon la conception funeste de l’intérêt général qui prévalait en
cette sombre époque.
La mission de service public qui vient d’être décrite ne peut revêtir un
caractère industriel et commercial puisqu’elle ne donnait pas lieu, bien
entendu, à la conclusion de contrats entre la SNCF et les personnes
transportées de force. Ainsi, indépendamment même de l’exercice de
prérogatives de puissance publique, il ne fait aucun doute que la SNCF
exécutait une mission de service public administratif en transportant les
exposants, contrairement a ce qu’a retenu la Cour au prix d’une
qualification juridique inexacte des faits et, en toute hypothèse, d’une
erreur de droit.

>
CE Sect. 29 juin 1951, Cie générale transatlantique, p. 378 > Il est acquis que les règles régissant la compétence juridictionnelle sont
dotées d’un effet immédiat et s’appliquent même aux litiges en cours. Dans le
même ordre idée, le Conseil d’Etat devrait retenir que l’ordre de juridiction
compétent est déterminé, sauf exception, par la situation existante au jour
où le juge statue.
En l’espèce, les juges d’appel ont décliné la compétence des juridictions
de l’ordre administratif au motif principalement que la SNCF était à
l’époque des faits une société d’économie mixte de droit privé.
Mais à la date à laquelle les exposants ont demandé réparation, comme
au jour où la Cour a statué, la SNCF était devenue un établissement
public, donc une personne publique, en vertu de la loi d’orientation des
transports intérieurs du 30 décembre 1982. Or, l’action en responsabilité
extra-contractuelle dirigée contre une personne publique relève en
principe de la compétence du juge administratif, à la différence d’une
action dirigée contre une personne privée qui n’en relève que par
exception.


L’existence d’une telle prérogative résulte tout d’abord du fait que des
droits exclusifs ont été confiés à la SNCF pour le transport par voie ferrée.
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la question de savoir si la SNCF en participant à la déportation des Juifs a engagé sa responsabilité ? Peut-on demander réparations pour cela ? Au départ, Jugement du TA de Toulouse, juin 2006 et CAA Bordeaux en 2007. Le jugement du TA avait condamné la SNCF et l’Etat à indemniser les consorts, or cela était une aberration historique et juridique. La CAA avait annulé le jugement du TA. Le CE indique que les personnes privées ont une délégation de SP n’ont pas forcément de prérogatives de SP. En l’espèce, l’arrêt établi une frontière entre les personnes privées investies d’un mission de SP (juge administratif) et les personnes privées ne disposant pas de prérogatives de puissance (Juge judiciaire).

La SNCF, en déportant des juifs pendant la 2 GM, peut elle être la cible de demande de réparations ?
le jiuifs deporté par la sncf pdt la seconde GM peuvent t ils demander reparation a l'administration ?

I. Sncf : Un service public ?

A.Mission de service publique

B. Prerogative de puissance publique


II.Quelle juridiction est competente ?

A. Juridiction administrative

B. Juridiction judiciaire > prescription trentennaire



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